AI for Tomorrow
16 min readNov 27, 2022

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Exemple de boîte noire avec son contenu

Après l’expérience de la blockchain en 2017 et du RPA en 2018 dans le cadre de ses études à l’Université Paris Dauphine-PSL, Diana Carrondo travaille en gestion de projets informatiques chez Air France depuis 2018. Actuellement Data Product Owner sur les données carburant et performance en vol, elle contribue à la réduction de l’empreinte environnementale dans l’aérien par la donnée. Elle est également enseignante responsable de l’UE Data & Information Systems à l’Université Paris Dauphine-PSL depuis 2018.

Ces propos n’engagent que l’auteure de l’article et en aucun cas Air France KLM.

Comment la data et l’IA contribuent à décarboner l’aérien ?

Jouant un rôle significatif dans le réchauffement climatique dû aux activités humaines, le secteur de l’aérien est attendu au tournant. En 2018, l’aviation civile était responsable de 2,5% des émissions de CO2 au niveau mondial [1] et de 3,5% du réchauffement climatique si on considère également les effets hors CO2 [2].

Les effets hors CO2 se rapportent à la notion de forçage radiatif, défini comme “[l’]écart entre le rayonnement solaire reçu par une planète et le rayonnement infrarouge qu’elle émet sous l’effet de facteurs d’évolution du climat, tels que la variation de la concentration en gaz à effet de serre. […] Un forçage radiatif positif contribue à réchauffer la surface de la planète tandis qu’un forçage radiatif négatif contribue à la refroidir.” [3]

Les émissions de CO2, mais aussi les trainées de condensation, les émissions d’oxyde d’azote (NOx), de vapeur d’eau et d’aérosols alimentent ce forçage radioactif généré par le transport aérien (fig. 1, [4]). Par la notion de forçage radioactif, on voit alors que les émissions de CO2, bien qu’importantes, ne sont finalement pas la seule façon dont le secteur contribue au réchauffement climatique.

Fig. 1 — Lee et al., 2020, The contribution of global aviation to anthropogenic climate forcing for 2000 to 2018.

Cette prépondérance de l’aérien dans le réchauffement climatique n’a fait que s’amplifier au cours des dernières décennies. Si on considère les seules émissions de CO2, on constate que l’aviation a vu sa part dans les émissions mondiales passer de 1% en 1960 à 2,5% en 2018 (fig. 3, [1])… Alors même que les émissions de CO2 par client payant au kilomètre (kgCO2 per RPK) ont considérablement diminué sur la même période, passant de 1,5kg à 0,125g par kilomètre (fig. 4, [1]). Cela est notamment dû à l’efficience accrue des opérations et des appareils utilisés au cours des décennies.

Pour autant, pourquoi l’impact environnemental de l’aérien reste significatif quand dans le même temps les émissions de CO2 par client transporté au kilomètre diminuent ? En premier lieu, comme nous l’avons vu, il n’y a que pas que les émissions de CO2 qui comptent mais aussi tout ce qu’englobe par ailleurs le forçage radiatif. Cela s’explique aussi et surtout par un effet volume, le nombre de passagers transportés n’ayant fait que s’accroître fortement jusqu’à la pandémie de 2020. Selon l’OACI, il y a eu 4,56 milliards de places voyageurs transportés en 2019 contre 500 000 en 1972 et 1 milliard en 1986 [5]. En dépit du coup d’arrêt lié à la pandémie de covid-19 en 2020, la reprise s’est amorcée et les prévisions tablent sur une reprise du trafic à la hausse (fig. 2, [5]).

Fig. 2 — International Civil Aviation Organization (ICAO), 2022, “World passenger traffic evolution 1945–2022”.

Pourquoi une telle hausse des voyages ? Cela repose entre autres sur l’amélioration des conditions de vie au niveau mondial ces dernières décennies et donc à l’essor du tourisme, mais aussi une plus grande accessibilité des vols grâce aux compagnies low cost, proposant des vols à plus bas coût que les compagnies “historiques”.

Fig. 3 — Hannah Ritchie, 2020, Global carbon dioxide emissions from aviation.
Fig. 4 — Hannah Ritchie, 2020, Global airline traffic and aviation efficiency.

Ainsi, même en volant de mieux en mieux d’un point de vue environnemental, la part de l’aviation dans le réchauffement climatique peine à diminuer face à l’augmentation de la demande. La réduction des émissions au kilomètre est plus que compensée par l’évolution des modes de consommation, où l’avion s’est tellement démocratisé qu’en devenant accessible à plus de monde (mais pas tout le monde), il est de moins en moins considéré comme un produit de luxe. Particulièrement pointé du doigt, le transport aérien accélère néanmoins ses efforts en faveur de l’environnement, chaque secteur ayant sa part d’efforts à faire.

Par quel moyens une compagnie aérienne peut-elle réduire son empreinte environnementale ?

Différents moyens existent pour diminuer l’impact de l’aérien sur l’environnement. Dans son rapport “Pouvoir voler en 2050 — Quelle aviation dans un monde contraint ?” sorti en 2021 [6], l’association et laboratoire d’idées The Shift Project récapitule les principaux leviers en ce sens :

  • Renouveler la flotte en capitalisant sur les innovations rendant les avions et leurs moteurs plus efficients d’un point de vue énergétique. Beaucoup de progrès ont été réalisés pour réduire la consommation des turboréacteurs au cours des dernières décennies. Côté avion, leur poids a été considérablement réduit (plus on vole lourd, plus on consomme), les cabines ont été densifiées et les taux d’occupation maximisés.

· Utiliser des énergies alternatives — Certaines ne nécessitent pas ou peu d’évolution des flottes existantes, à savoir :

o Les biocarburants, pouvant être de deux types. Ceux de 1ère génération peuvent être produits à partir de graines de plantes comme le colza et le tournesol, mais aussi à base d’éthanol (blé et maïs). Quant aux biocarburants de 2ème génération, ils sont plébiscités parce qu’ils ne rentrent pas en concurrence avec la production alimentaire en se basant cette fois sur des déchets végétaux et des huiles usagées. C’est ce qu’on appelle le Sustainable Aviation Fuel (SAF).

o Le PTL (Power-to-Liquid), qui est une sorte de carburant synthétique produit à partir de CO2 et d’hydrogène. La limite de cette énergie réside néanmoins dans sa production, dans la mesure où certains des procédés possibles peuvent aller à l’encontre du principe de décarbonation.

o D’autres énergies alternatives impliquent une rupture technologique forte sur les avions et/ou moteurs pour pouvoir être utilisés, par exemple dans le cas de l’hydrogène ou de l’électricité. Comme elles s’inscrivent davantage sur le long terme, elles ne seront pas détaillées dans cet article.

  • Optimiser les opérations pour réduire l’utilisation de kérosène :
  • Au sol : à condition que sa production soit décarbonée, utiliser davantage l’électricité peut permettre de réduire au maximum l’utilisation de l’APU (Auxiliary Power Unit). L’APU est un petit turboréacteur fonctionnant avec du kérosène. Il est généralement utilisé au sol lorsque les moteurs principaux sont éteints afin d’assurer l’alimentation en électricité et en climatisation à bord. L’électricité peut également réduire la consommation de kérosène au roulage de l’avion en le tractant au maximum à l’aide de véhicules électriques au sol.
  • En vol : il s’agit essentiellement de pratiques d’éco-pilotage, détaillées plus bas dans cet article.
Extrait vidéo de JohnKafé Movies montrant un Airbus A319 tracté par un TPX-100-E (électrique), Early birds (2:03). 27 septembre 2022, avec l’aimable autorisation de l’auteur.

La trajectoire de décarbonation des compagnie aériennes va généralement reposer sur les trois piliers évoqués ci-dessus : renouvellement de la flotte, utilisation d’énergies alternatives et optimisation des opérations. C’est en tout cas ce que peut illustrer la compagnie aérienne Air France avec sa politique environnementale forte et sa volonté de transparence à travers sa plateforme dédiée Air France Act [7].

Malgré la crise sanitaire qui l’a durement frappée, Air France a par exemple maintenu les investissements visant à renouveler sa flotte. La compagnie reçoit régulièrement des Airbus A350 depuis 2019 (long courrier) ainsi que des Airbus A220 depuis 2021 (moyen courrier). A terme en 2030, 70% de la flotte Air France sera composée de ces avions de nouvelle génération qui émettent 20 à 25% de CO2 en moins que les avions qu’ils remplacent [8]. Par ailleurs depuis 2011, Air France investit aussi dans les carburants d’aviation durables (SAF). La compagnie affiche notamment l’objectif d’utiliser au moins 10% de SAF sur tous ses vols d’ici 2030, soit deux fois plus que ce qu’imposera la règlementation française au même moment.

Déjà enclenchés, le renouvellement de la flotte et l’utilisation d’énergies alternatives compteront pour plus de deux tiers dans la trajectoire de décarbonation d’Air France, impliquant néanmoins de coûteux investissements particulièrement lourds en période de crise. Outre l’aspect financier, il y a également des contraintes de temps. S’agissant de la flotte, les sorties et entrées s’opèrent sur un temps très long, notamment en raison des délais de livraison. Quant au SAF, les chaînes de production sont aujourd’hui bien en-deça des besoins du transport aérien, la filière étant à peine en train de se structurer pour mieux pouvoir passer à l’échelle ensuite.

Il reste alors l’optimisation des opérations, avec notamment l’éco-pilotage, dont la mise en place n’implique pas d’aussi fortes contraintes financières ni un temps aussi long que les deux autres principaux leviers de réduction de l’empreinte environnementale.

L’éco-pilotage est un levier d’ores et déjà actionnable pour réduire l’empreinte environnementale de l’aérien

Contribuant certes dans une moindre mesure à la décarbonation de l’aérien, les mesures opérationnelles réduisent tout de même l’empreinte environnementale de l’aviation civile de façon significative. Surtout, ces leviers ont l’avantage d’être actionnables dès maintenant.

Les mesures opérationnelles désignent des opérations au sol et en vol, par exemple l’optimisation de la charge embarquée, l’électrification des véhicules au sol ou encore l’éco-pilotage.

Concentrons-nous sur l’éco-pilotage. Qu’est-ce que l’éco-pilotage ? L’éco-pilotage désigne un ensemble d’initiatives permettant de réduire la consommation de carburant et l’empreinte environnementale, lors d’un vol, y compris lorsque l’avion est au sol, sans que cela ne soit au détriment de la sécurité des vols.

Ces pratiques s’étalent sur toutes les phases d’un vol, avec par exemple :

  • Taxi au départ et à l’arrivée (sol) : roulage avec un moteur éteint, réduction de l’usage de l’APU, optimisation de l’emport carburant
  • Décollage : configuration réduite, optimisation du profil de montée
  • Croisière : optimisation du rapport vitesse/performance du vol (« cost index »), optimisation des trajectoires
  • Atterrissage : configuration réduite, descente en continue et non par paliers, inversion de poussée

GreenPilot LinkedIn posts “💡 Fuel savvy tip every airline pilot should know ✈️👨‍✈️👩‍✈️”. 2021.

Green Pilot, 2021, “Considérez le roulage avec un moteur éteint”
Green Pilot, 2021, “Utilisez une configuration réduite pour les volets”
Green Pilot, 2021, “Evitez d’utiliser l’inversion de poussée maximale”

Si à l’échelle d’un vol l’éco-pilotage n’engendre que quelques dizaines de kilos de kérosène économisées pour un emport de plusieurs milliers, c’est à l’échelle macro que la puissance de ces pratiques s’apprécie. L’effet volume de l’éco-pilotage permet en effet “d’annuler” les émissions CO2 de plusieurs dizaines voire centaines de vols sur un mois ou une année.

D’où l’enjeu d’embarquer un maximum de pilotes dans l’application de ces initiatives dès lors qu’elles sont possibles et en phase avec la sécurité des vols ainsi que le contrôle aérien. C’est là où la data et l’intelligence artificielle (IA) permettent non seulement d’accompagner le changement, mais aussi de mieux le comprendre pour cibler plus finement les prochaines actions.

Le big data et l’IA aident à booster l’éco-pilotage et réduire la consommation de fuel

En exploitant l’immense volume des données de vols passés à travers des modèles d’IA, il est possible de mieux piloter sa stratégie d’éco-pilotage et l’accompagnement des parties prenantes. Encore faut-il que pour être un levier de création de valeur, la matière première, à savoir les données, soit suffisamment gouvernée, maîtrisée et exploitable [10].

De quel big data parlons-nous ici pour booster l’éco-pilotage ? Il s’agit des paramètres de vol, communément appelées données FDR (« Flight Data Recorder »). L’enregistrement des paramètres de vol a été rendu obligatoire par les autorités mondiales de l’aviation civile en 1958 en vue d’aider les investigations en cas d’accident [11]. C’est ce qu’on pourrait associer aux boîtes noires, qui enregistrent également en plus des données FDR les voix en cockpit (CVR, « Cockpit Voice Recorder »).

Exemple de boîte noire avec son contenu

A quoi ressemblent ces données FDR ? Si les autorités exigent l’enregistrement d’un certain nombre de paramètres incontournables (vitesse, altitude, temps, etc.), il peut en réalité y avoir beaucoup d’autres paramètres enregistrés grâce à tous les capteurs à bord. Selon le type d’avion et son âge, cela va de plusieurs centaines à plusieurs milliers de paramètres avion enregistrés plus ou moins chaque seconde.

On peut le visualiser comme une immense feuille excel où chaque paramètre est une colonne et chaque ligne est une seconde d’enregistrement, indiquant alors des valeurs pour chacune des centaines/milliers de colonnes. Pour un vol de 6h, cela représente donc plus de 21 000 lignes. Si on multiplie par le nombre de vols effectués chaque jour pour une seule compagnie aérienne, cela illustre aisément la notion de big data qu’on peut définir comme un volume massif de données digitales produites par l’usage démocratisé des nouvelles technologies dans un monde considérablement informatisé [10].

Avec les progrès techniques et organisationnels, il est désormais possible d’exploiter ces données FDR à des fins autres que la seule sécurité des vols. Bien sûr, il n’est pas nécessaire d’ouvrir une boîte noire après chaque vol, d’autres modes de déchargement plus rapides et automatiques existant. Ces modes de déchargement préservent également l’intégrité et la confidentialité de ces données. Ces dernières sont particulièrement sensibles dans la mesure où elles permettent de reconstituer des vols seconde par seconde. L’accès à ces données est donc strictement encadré et tracé au sein des compagnies et outils les exploitant, quel que soit l’objectif poursuivi.

Ce sont ainsi plusieurs années de big data qui sont analysées par les compagnies aériennes grâce à l’intelligence artificielle. Si les données FDR, par leur finesse, constituent la principale matière première, elles ne sont pas les seules à être étudiés par les IA au service de l’éco-pilotage. Les FDR peuvent également être croisées avec une multitude d’autres données, par exemple :

  • Des données de trafic
  • La météo
  • Des bases de données waypoint (points de passage fictifs, utiles en navigation aériennes)
  • Des données ADSB (envoi périodique du positionnement avion par satellite)
  • Des données ACARS (système de communication air-sol) notamment pour tracer l’utilisation de l’APU
  • Etc.

Exploitées et croisées, toutes ces données permettent aux compagnies aériennes d’accompagner les pilotes tant à posteriori qu’au cours des vols.

Capture écran de l’outil eWas (GTD) qui permet aux pilotes de visualiser la météo sur leur route, selon les flight levels et waypoints entre autres

Quels outils pour renforcer l’éco-pilotage avec la data et l’IA ?

Evoquons tout d’abord la suite logicielle SkyBreathe, commercialisée dès 2013 par la start-up toulousaine Open Airlines. Le produit historique d’Open Airlines est SkyBreathe® Analytics, qui permet d’analyser à posteriori l’application des pratiques d’éco-pilotage au global et de façon anonyme, sur des périodes ou des flottes données par exemple. En identifiant le degré d’application pour chaque pratique d’éco-pilotage, il est alors plus aisé pour les équipes opérationnelles d’accompagner chaque flotte en fonction des pratiques à développer en priorité. Open Airlines compte aujourd’hui une cinquantaine de compagnies clientes à son actif.

L’accompagnement peut également se faire au niveau pilote grâce à SkyBreathe® MyFuelCoach. Grâce à cet outil, les pilotes peuvent effectuer un « self-debriefing » de leur performance environnementale au cours de leurs derniers vols, tout en voyant également comment ils se positionnent par rapport à des vols similaires — de façon anonyme, toujours. Pour certaines compagnies qui ont déployé cet outil comme Transavia, cela s’est traduit par une adhésion significative des pilotes et une nette amélioration des pratiques d’éco-pilotage [12].

Exemple de l’ancienne interface SkyBreathe® Analytics

Evoquons par ailleurs la suite logicielle OptiFlight créée par la start-up parisienne Safety Line SITA dans les années 2010. Combinant de l’analyse prédictive et prescriptive grâce à de puissants modèles de « machine learning » [13], des recommandations peuvent être fournies aux pilotes durant les différentes phases d’un vol. On retrouve par exemple le module OptiDirect, suggérant des “raccourcis” aériens, ainsi qu’OptiDescent, pour aider à optimiser les phases de descente afin qu’elles soient continues et non par paliers (plus consommateurs).

Répartition des modules d’OptiFlight sur la vie d’un vol

Sur la base de leur expérience et de l’état du trafic, les pilotes sont ainsi appuyés dans leurs pratiques d’éco-pilotage en cours de mission, différents scénarios leur étant soumis via OptiFlight. Cela se traduit rapidement en résultats comme par exemple dans le cas de Transavia, première compagnie à avoir utilisé OptiClimb (optimisation de la phase de montée) et OptiDirect dès 2015 [14]. En 2019, rien que sur l’optimisation des montées (OptiClimb), Transavia a économisé 85kg de carburant par montée pour un total de 4,8 tonnes de CO2 non émises sur l’année [15]. C’est comme si plusieurs centaines de vols moyen-courrier n’avaient jamais émis de CO2.

Avec le big data et l’IA au service de l’éco-pilotage, les compagnies peuvent non seulement affiner leur trajectoire de décarbonation mais aussi rendre compte de leurs efforts. Ainsi en mai 2022, Air France a réduit de moitié les émissions de CO2 sur deux de ses vols, un moyen courrier (AF1624 Paris-Lisbonne du 4 mai en A220) et un long courrier (AF342 Paris-Montréal du 3 mai 2022 en A350) [16]. Cette démonstration s’est faite dans le cadre du SkyTeam Sustainable Flight Challenge. Il s’agissait pour les compagnies membres de l’alliance de montrer les moyens d’ores et déjà existants (dont l’éco-pilotage) qu’elles comptent faire passer à l’échelle pour réduire leur empreinte environnementale, sans attendre les innovations plus lointaines.

Que conclure ?

Si certaines compagnies comme Air France n’ont pas attendu l’avènement du big data et des IA que nous connaissons aujourd’hui pour encourager l’éco-pilotage, ces nouveaux moyens contribuent définitivement à booster la réduction de l’empreinte environnementale dans l’aérien.

Cependant ces moyens, certes puissants, ne suffiront pas à eux seuls à atteindre les objectifs de réduction des émissions de CO2 et effets hors CO2, encore moins dans la mesure où les prévisions de trafic sont à la hausse. L’aérien reste donc un secteur dur à décarboniser comme le souligne l’un des derniers rapports du GIEC sorti en 2022 [17]. Réduire l’empreinte environnementale d’une industrie polluante ne passera pas uniquement par la technologie, aussi fabuleuse, prometteuse et… lointaine soit-elle (l’avion à hydrogène n’arrivera pas avant au moins 2037 [18]).

Bien que l’aérien constituera toujours la possibilité de connecter les peuples et les cultures, peut-être devrions-nous questionner nos besoins, nos loisirs, nos modes de vie et notre capacité à répondre aux sirènes du marketing. Cela fait-il vraiment sens de faire un Dublin-Beauvais à partir de 16,99€ (jadis 10€ voire moins…) avec certaines compagnies ultra low-cost quand on voit que cela couvre à peine les taxes d’aéroport [19] ou un forfait Navigo 1 jour l’Ile-de-France zones 1 à 5 [20] ? Avec des billets aussi peu chers, il y a forcément des perdants dans la chaîne, certes invisibilisés mais bien victimes des injustices sociales et environnementales dont nous sommes beaucoup à ne pas vouloir être complices. Et si une partie de la solution était que l’aérien redevienne un produit de luxe, moins accessible mais aussi plus réglementé (jets privés, subventions et dumping, prix plancher, ciel unique, etc.) ?

Voler mieux ne doit pas être un prétexte pour voler plus, l’enjeu étant bien de diminuer au maximum l’impact de l’aérien sur le réchauffement climatique. Réduire les émissions d’un côté ne rend pas davantage souhaitable une augmentation du trafic pour autant. Autrement dit, pour que l’aérien puisse jouer sa part dans l’atteinte des objectifs environnementaux collectifs, il s’agirait de voler mieux mais aussi de voler moins.

Sources :

[1] RITCHIE H., Climate change and flying: what share of global CO2 emissions come from aviation?. Our World in Data [en ligne], 22 Octobre 2020, consulté le 5 novembre 2022. Disponible sur :https://ourworldindata.org/co2-emissions-from-aviation

[2] LEE D. S. et al., The contribution of global aviation to anthropogenic climate forcing for 2000 to 2018. National Oceanic and Atmospheric Administration [en ligne], 2021, consulté le 5 novembre 2022. Disponible sur : https://repository.library.noaa.gov/view/noaa/45026

[3] Commission d’enrichissement de la langue française, Vocabulaire de l’environnement : climat-carbone. 2019. NOR : CTNR1926055K ; liste du 24–9–2019 — J.O. du 24–9–2019 ; Ref MENJ — MESRI — MC | Disponible sur : https://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?cid_bo=146186

[4] LEE D. S. et al., Global Aviation Effective Radiative Forcing (ERF) Terms (1940 to 2018). 2020, consulté le 5 novembre 2022. Disponible sur : https://ars.els-cdn.com/content/image/1-s2.0-S1352231020305689-gr3_lrg.jpg

[5] International Civil Aviation Organization (ICAO), World passenger traffic evolution 1945–2022. ICAO [en ligne], 2022, consulté le 6 novembre 2022. Disponible sur : https://www.icao.int/sustainability/Documents/Covid-19/ICAO_coronavirus_Econ_Impact.pdf

[6] The Shift Project, Pouvoir voler en 2050 — Quelle aviation dans un monde contraint ?. The Shift Project [en ligne], 3 mars 2021, consulté le 23 octobre 2022. Disponible sur : https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2021/12/TSP_AVIATION_RAPPORT_211116.pdf

[7] Air France Act [en ligne], consulté le 23 octobre 2022. Disponible sur : https://airfranceact.airfrance.com/

[8] Air France Act [en ligne], Le renouvellement de la flotte. consulté le 5 novembre 2022. Disponible sur : https://airfranceact.airfrance.com/fr/le-renouvellement-de-la-flotte

[9] GreenPilot LinkedIn posts “💡 Fuel savvy tip every airline pilot should know ✈️👨‍✈️👩‍✈️”. LinkedIn [en ligne], 2021, consulté 7 mai 2022. https://www.linkedin.com/company/green-pilot/posts/?feedView=images

[10] CARRONDO D., Pensons l’IA avec la Data pour mieux automatiser. Medium [en ligne], 29 juin 2021, consulté le 7 novembre 2022. Disponible sur : https://medium.com/ai-for-tomorrow/pensons-lia-avec-la-data-pour-mieux-automatiser-diana-carrondo-ed4808b1bf0f

[11] VILLAMIZAR H., The history of the Flight Data Recorder. Airways Mag [en ligne], 11 juin 2022, consulté le 5 novembre 2022. Disponible sur : https://airwaysmag.com/history-flight-data-recorder/

[12] OpenAirlines, Case study: Fuel savings at Transavia. Aircraft IT Operations [en ligne], octobre/novembre 2015, consulté le 6 novembre 2022. Disponible sur : https://blog.openairlines.com/case-study-fuel-savings-at-transavia

[13] GUERIN D., HEAP K. and MONTEILLER E., Leveraging predictive analytics towards in-flight fuel savings. Aircraft IT Operations [en ligne], septembre 2021, consulté le 23 octobre 2022. Disponible sur : https://www.aircraftit.com/articles/leveraging-predictive-analytics-towards-in-flight-fuel-savings/

[14] CACHIA E., CHAZELLE F., Using Flight Data to support fuel savings at Transavia. Aircraft IT Operations [en ligne], Winter 2018, consulté le 5 novembre 2022. Disponible sur : https://www.aircraftit.com/articles/using-flight-data-to-support-fuel-savings-at-transavia/

[15] Safety Line SITA, OptiFlight — in-flight gudaince. Fuel savings in all flight phases. Leveraging Machine Learning for predictive in-flight guidance. Site internet Safety Line [en ligne], 2022, consulté le 6 novembre 2022. Disponible sur : https://www.safety-line.fr/optiflight/

[16] Air France, Air France réduit de moitié les émissions de CO2 de deux de ses vols. site internet Air France [en ligne], 4 mai 2022, consulté le 6 novembre 2022. Disponible sur : https://corporate.airfrance.com/fr/communique-de-presse/air-france-reduit-de-moitie-les-emissions-de-co2-de-deux-de-ses-vols

[17] The Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC), Climate Change 2022: Mitigation of Climate Change. Site internet du GIEC, avril 2022, consulté le 4 novembre 2022. Disponible sur : https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-working-group-3/

[18] CUMPSTY N., et al., Independent expert integrated technology goals assessment and 7 review for engines and aircraft. ICAO, 2019, consulté le 6 novembre 2022. Disponible sur : http://www.icscc.org.cn/upload/file/20200603/20200603140731_33885.pdf

[19] Aéroport Paris-Beauvais, Redevances. Site internet Aéroport Paris-Beauvais, 2022, consulté le 7 novembre 2022. Disponible sur : https://www.aeroportparisbeauvais.com/professionnels/b-to-b/redevances/#:~:text=Cette%20redevance%20s'%C3%A9l%C3%A8ve%20%C3%A0,d'atterrissage%20s'appliquent.

[20] Ile-de-France Mobilités, Tarifs forfait Navigo Jour. Site internet Ile-de-France Mobilités, 31 mai 2022, consulté le 7 novembre 2022. Disponible sur : https://www.iledefrance-mobilites.fr/titres-et-tarifs/detail/forfait-navigo-jour

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