L’IA révolutionne la médecine : pourquoi les facultés ont tout intérêt à changer leur programme d’enseignement — Joris Galland

AI for Tomorrow
AI For Tomorrow
Published in
6 min readJul 6, 2021

--

Dr Joris GALLAND est expert pour AI For Tomorrow et est médecin interniste au CH de Bourg-en-Bresse

Je ne présente plus les avancées technologiques vertigineuses qui ont été réalisées dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA) notamment en Santé. Les IA prennent et prendront de plus en plus de place dans la pratique de la Médecine. Jusqu’à peu, les IA en santé étaient surtout d’excellents analyseurs d’images notamment en imagerie (1,2), en dermatologie (3) et en anatomie pathologique. L’analyse d’image pixel par pixel des IA ne laisse aucune chance à l’œil humain qui est mis K-O dès le 1er round. La technologie du deep learning a donné à la “machine” une fonction disruptive à laquelle l’Humain n’était pas préparé: l’apprentissage (fonction indispensable pour l’exercice de la Médecine).

Très prochainement, les IA en santé vont se développer, se diversifier, s’implanter… et c’est une excellente nouvelle pour l’humanité. La question n’est pas de savoir si l’IA va disrupter la Médecine, mais plutôt de savoir “comment le médecin va devoir travailler — intelligemment — avec l’IA?”.

Dans son livre Jouissez jeunesse, Laurent Alexandre, urologue mais également expert international en matière d’IA fait le constat suivant : “(en matière de santé) s’opposer à l’IA (…) ferait prendre un risque immense aux patients. Cette violente blessure narcissique pour ma profession doit nous conduire à nous réinventer avant que nos patients ne nous abandonnent pour l’IA des géants du numérique (les GAFAMI Américaines et les BATX Chinoises)”. Cette phrase résume à elle seule une problématique bien réelle : si l’Homme n’a pas le Quotient Intellectuel (QI) nécessaire pour rivaliser avec les IA, alors il est de notre devoir de donner aux Médecins humains cette fonction d’indispensable complémentarité (vis-à-vis de l’IA) au service du patient dans le diagnostic, le pronostic et la thérapeutique. Le serment d’Hippocrate devrait vite être réédité en version 2.0. Laurent Alexandre prône, entre autres, une révolution de l’enseignement de la Médecine grâce aux technologies NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives), mais personnellement je n’irai pas jusque là… Commençons par des choses simples et rapidement réalisables: enseignons l’IA dès la faculté de Médecine bon sang !

Le système éducatif des facultés de médecine a 20 ans de retard. Alors que certaines facultés s’extasient d’avoir un centre de simulation, il faut se rendre compte que ce type d’enseignement révolutionnaire existe depuis des décennies en Amérique du Nord. On enseigne encore sous forme de cours magistral alors qu’aucune étude pédagogique n’a prouvé l’intérêt de ce type d’enseignement (l’adaptative learning semble bien plus pertinent). On apprend aux étudiants à utiliser un stéthoscope et à reconnaître des souffles cardiaques, à l’époque même où arrivent les appareils d’écho-stéthoscopie de poche, bien plus précis et révolutionnaires : l’Université nous cache la mort prochaine du stéthoscope. A mon sens, il semble logique de former les jeunes médecins à leur futur environnement de travail digitalisé.

Pour répondre à la problématique de cet article, faisons un rapide rappel historique : l’avènement des IA fait partie intégrante de la 4ème révolution industrielle des années 2010 (la 1ère étant la mécanisation par la machine à vapeur en 1784, la 2ème étant l’arrivée de l’énergie électrique en 1870, la 3ème étant l’informatisation et la robotique un peu avant les années 1970). Comme chaque révolution industrielle, naît la crainte logique de voir l’Homme remplacé par la Machine. Pour les 3 premières révolutions industrielles, cette crainte ne s’appliquaient qu’à des métiers “manuels”, mais pas aux métiers intellectuels. Cette 4ème révolution est une grande première dans l’Histoire de l’humanité puisqu’elle frappe de plein fouet les professions intellectuelles. Cependant l’histoire nous apprend que les révolutions industrielles ne sont jamais suivies par des périodes de crise de l’emploi: bien au contraire ! Alors oui, certains métiers disparaissent car remplacés par la machine, mais d’autres sont créés. Pour cette 4ème révolution, c’est le cas; qui aurait imaginé il y a encore 10–15 ans être “community manager”, ou “data scientist”, ou bien encore “influencer” sur les réseaux sociaux ? La profession de Médecin ne va donc pas disparaître (en tout cas, pas tout de suite), mais elle est vouée à une profonde mutation en lien avec les IA. Acceptons ce changement !

Les facultés de médecine doivent se réinventer — une nouvelle fois — car elles forment une génération de médecins ignorants des nouvelles technologies. Tout le monde le sait, l’ignorance mène à la méfiance et la méfiance au rejet. Très prochainement, cette ignorance sera un handicap pour les praticiens qui n’auront rien vu venir! Pourtant quelle magnifique invention qu’est l’IA dans le domaine de la Médecine. Elle va permettre une croissance exponentielle des connaissances du corps humain et du traitement des maladies.

En parlant d’IA, je parle souvent de “prothèse cérébrale” du médecin ou “d’assistant virtuel”. Bien que le cerveau humain soit prodigieux — il faut le reconnaître -, il a pourtant ses limites… Alors que nos neurones biologiques ne sont capables de traiter l’équivalent de quelques kilo-octets de données à la fois lors de notre démarche hypothético-déductive (soit l’équivalent d’une consultation), les IA peuvent traiter des Giga-octets de données (c’est ce qu’on appelle les big-data) et sont capables de générer un algorithme beaucoup plus rapidement et précisement que le cerveau humain ne le pourra jamais. Car ce sont bien les big data, le quantified self et les milliards de données-patients générées chaque seconde par nos objets connectés qui vont révolutionner la Médecine. Le cerveau humain est d’ores et déjà caduque !

Il est donc vital pour notre profession d’apprendre à vivre dans cet environnement numérique et numérisé (qui ne rebute pas du tout les patients, bien au contraire) sous peine de se faire littéralement écrasé par des montagnes de données que notre cerveau ne pourra pas traiter. Que se passera-t-il quand un médecin généraliste recevra tous les matins un millier de notifications envoyées par les Apple© Watch de ces patients ? Les ignora-t-il au risque de rater une information vitale? Ou fera-t-il confiance aux IA pour trier les informations importantes ?

L’IA est déjà profondément ancrée dans le paysage médical européen. Certains CHU ont même embauché des médecins de l’IA (en fait, ce sont plutôt des data scientist). Pour réussir cette mutation de la médecine à l’ère du numérique et cicatriser cette “profonde blessure narcissique”, il faut :

  1. surfer sur cette 4ème révolution industrielle : reconnaître que les IA vont être acceptées par les patients, voire plébiscitées,
  2. arrêter de croire que les IA vont remplacer les médecins et nous mettre au chômage, mais reconnaître que notre quotidien va changer,
  3. préparer les jeunes médecins, dès le second cycle (voir avant) en créant une nouvelle matière “Médecine de l’intelligence artificielle”. Stop aux diplômes universitaires payants et facultatifs, OUI à l’enseignement obligatoire de l’IA dès la faculté de médecine pour donner une complémentarité cerveau humain — IA au service de la Médecine, au service de nos patients.

Lire sur notre site.

Dr Joris Galland

Expert AI For Tomorrow

Médecin interniste CH Bourg-en-Bresse

Références :

  1. Ardila D, Kiraly AP, Bharadwaj S, Choi B, Reicher JJ, Peng L, et al. End-to-end lung cancer screening with three-dimensional deep learning on low-dose chest computed tomography. Nat Med. 2019;25(6):954–61.
  2. Hosny A, Parmar C, Quackenbush J, Schwartz LH, Aerts HJWL. Artificial intelligence in radiology. Nat Rev Cancer. 2018;18(8):500–10.
  3. Haenssle HA, Fink C, Schneiderbauer R, Toberer F, Buhl T, Blum A, et al. Man against machine: diagnostic performance of a deep learning convolutional neural network for dermoscopic melanoma recognition in comparison to 58 dermatologists. Ann Oncol Off J Eur Soc Med Oncol. 2018 01;29(8):1836–42.

--

--

AI for Tomorrow
AI For Tomorrow

Donnons à tou.te.s les clés pour (ré)inventer le monde de demain grâce à l’intelligence artificielle